Afin de donner une seconde chance au dirigeant d’une entreprise en faillite, la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 vient limiter la responsabilité du dirigeant en excluant sa responsabilité en cas d’insuffisance d’actif résultant d’une simple négligence dans la gestion de la société. L’article L.651-2 du code de commerce permet en cas de faute de gestion du dirigeant ayant contribué à l’insuffisance d’actif résultant d’une procédure de liquidation judiciaire de mettre à la charge du dirigeant de droit ou de fait tout ou partie du montant de cette insuffisance d’actif. La mise en œuvre de la responsabilité pour insuffisance d’actif suppose la réunion des conditions traditionnelles de la responsabilité civile : une faute (une faute de gestion), un préjudice (l’insuffisance d’actif) et un lien de causalité entre la faute et le préjudice. La notion de « faute de gestion » n’a jamais fait l’objet d’une définition législative ni même jurisprudentielle. Au fil des arrêts d’espèce, la jurisprudence a adopté une conception très large de la faute de gestion qui s’étend à toute faute commise dans l’administration de l’entreprise. Les fautes de gestion pouvant être retenues vont ainsi de la simple négligence, imprudence, erreur d’appréciation, à la faute lourde, manœuvre dolosive voire la faute pénale dans les cas les plus graves. La possibilité de condamner un dirigeant à combler l’insuffisance d’actif en cas de simple négligence apparaît comme étant totalement disproportionnée, voire excessive. D’autant plus qu’une telle condamnation interdit au dirigeant qui détient une créance déclarée au passif de la société de participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles il a été condamné[1]. Une telle rigueur sanctionne tout particulièrement le dirigeant qui a fait crédit à sa société afin de l’aider à surmonter ses difficultés. De plus, l’inexécution par un dirigeant insolvable de la condamnation à contribuer à l’insuffisance d’actif est susceptible d’être à nouveau sanctionnée au titre de la faillite personnelle ou de l’interdiction de gérer[2]. L’absence d’encadrement de la mise en œuvre de cette responsabilité pour insuffisance d’actif a été vivement critiquée par une partie de la doctrine. Ainsi, le Professeur Françoise Pérochon considère que cette disposition « paraît aujourd’hui inadaptée dans un droit qui prétend inciter à entreprendre (…) il devrait dans cette logique épargner le maladroit ou le malchanceux, et ne sanctionner que les dirigeants malhonnêtes ou gravement fautifs »[3]…
Article rédigé par Antoine CHATAIN, avocat associé, et Jean-Philippe ERB, avocat, et paru dans la revue Option Droit & Affaires – n° 356 – 31 mai 2017