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07 novembre 2016 Actualités ÉVÉNEMENTS PUBLICATIONS

Camille POTIER et Antoine CHATAIN : « l’expérience au service des confrères parisiens »

Candidats à l’élection au Conseil de l’Ordre du barreau de Paris, le duo a notamment axé sa campagne sur le nouveau palais de justice ou comment définir une intégration et garantir la place de l’avocat dans ce nouveau lieu. Pour eux, le bâtiment des Batignolles remet en cause les rapports magistrats-avocats et pose un réel problème sur le contenu de la justice de demain.

A.-P. : Pouvez-vous vous présenter ?

Camille Potier : J’ai commencé ma carrière il y a 17 ans, au côté du bâtonnier Guy Danet, en pré-stage puis en première collaboration. Je travaillais sur des dossiers de contentieux et surtout de droit pénal des affaires. Après cette première expérience professionnelle intense que j’ai adorée, je suis partie faire du droit pénal de droit commun auprès de Jean- Louis Pelletier, un pénaliste excellent et reconnu. Ma motivation était de plaider, d’être réellement dans l’arène. J’ai ainsi travaillé pendant presque six ans auprès de lui. Ensuite, après une première maternité, j’ai affronté deux ou trois années plus compliquées avant de rejoindre un cabinet spécialisé dans le contentieux qui s’est rapproché du cabinet Mayer Brown en 2008. Je fais aujourd’hui du contentieux commercial, du droit des affaires et toujours du droit pénal des affaires au sein du cabinet Mayer Brown et j’y suis très heureuse. Candidats à l’élection au Conseil de l’Ordre du barreau de Paris, le duo a notamment axé sa campagne sur le nouveau palais de justice ou comment définir une intégration et garantir la place de l’avocat dans ce nouveau lieu. Pour eux, le bâtiment des Batignolles remet en cause les rapports magistrats-avocats et pose un réel problème sur le contenu de la justice de demain.  L’expérience au servicedes confrères parisiens

Antoine Chatain : J’ai prêté serment en 1989. J’ai commencé au cabinet Farthouat Stasi. J’y ai suivi toutes les campagnes au bâtonnat de
Jean-René Farthouat, jusqu’à son élection et l’intégralité de son mandat. J’ai ensuite travaillé auprès du bâtonnier Mario Stasi dont j’étais le collaborateur, puis l’associé, à partir de 1994. Ce fut une période riche d’enseignements auprès d’un homme exceptionnel. En 2000, nous avons créé le cabinet Stasi & Associés qui est devenu Stasi Chatain et associés, puis Chatain & Associés, il y a quatre ans, après le décès du bâtonnier Stasi, en 2012. C’est un cabinet de contentieux des affaires de 18 personnes.

A.-P. : Pourquoi avez-vous décidé de vous porter candidats ?

C. P. : Nous partageons, Antoine et moi, les mêmes convictions. Tout d’abord, nous aimons vraiment ce métier que nous avons choisi et nous souhaitons apporter des améliorations à sa pratique. Aujourd’hui, notre profession doit évoluer face aux défis et aux nouvelles opportunités qui apparaissent, comme le numérique, l’intelligence économique et stratégique, les nouvelles missions de compliance, sur lesquelles nous allons devoir nous renforcer. Nous trouvons essentiel de faire évoluer ce métier et de l’adapter aux enjeux de demain. Par ailleurs, j’ai le désir de sortir de mes dossiers et de mon quotidien d’avocat pour prendre un peu de hauteur de vue, en me plongeant dans des missions qui restent dans mon périmètre d’activité. Toutes les problématiques actuelles de notre profession sont passionnantes. Nous devons à la fois évoluer, nous adapter mais aussi nous protéger.

A. C. : Je partage ces idées à 100 %. Camille et moi ressentons aujourd’hui le même besoin, celui de nous mettre au service de nos confrères, pour des missions qui dépassent le cadre de la relation client, et permettent de prendre de la hauteur sur un certain nombre de problématiques. Avec mon parcours auprès du bâtonnier Jean-René Farthouat, du bâtonnier Mario Stasi et de mon associé Stéphane Lataste, tous très impliqués dans les instances ordinales, cette démarche est pour moi naturelle à ce stade de ma carrière. Camille et moi, nous pouvons apporter notre expérience et, en retour, apprendre beaucoup de ce mandat. Nous devons d’abord protéger notre profession. Le nouveau palais est un premier lieu de combat. Nous devons savoir comment les avocats vont être intégrés dans le fonctionnement de ces nouveaux bâtiments et comment ils pourront y exercer leur métier. Nous devons contribuer à définir cette intégration et à garantir la place de l’avocat dans ce nouveau lieu de justice. C’est par voie de presse que nous apprenons un retard des travaux d’un an pour des problèmes liés à la sécurité des lieux. L’ouverture serait repoussée fin 2018. Nous devons donc dans cette durée, nous avocats, être totalement impliqués dans la dernière phase de chantier qui aura des implications pour l’exercice de notre profession.

A.-P. : Comment avez-vous constitué votre binôme ?

C. P. : J’ai pris la décision de me porter candidate l’année dernière, avec l’accord enthousiaste de mon managing partner, Jean-Philippe Lambert. C’est par l’intermédiaire de Marie-Aimée Peyron que j’ai appris la candidature d’Antoine et que nous nous sommes rencontrés pour former notre binôme. Très rapidement, Antoine et moi, nous nous sommes reconnus dans nos exercices professionnels, même s’ils sont différents.  En effet, nous avons tous deux suivi cette école “bâtonnier à l’ancienne” au début de notre carrière. Cette proximité m’a formée à une certaine vision de la profession, à une déontologie à toute épreuve, au respect du confrère et de l’institution. Et Antoine partage cette même vision.

A. C. : Nous nous étions déjà croisés dans le métier. Pour l’anecdote, il y a des années que Marie-Aimée Peyron m’incitait à me présenter au Conseil de l’Ordre. Je lui avais promis d’être candidat le jour où elle se présenterait au bâtonnat. Au moment de cette annonce, Marie-Aimée m’a tout naturellement parlé de Camille, pressentant sans doute qu’elle serait le binôme idéal. Force est de constater qu’elle avait raison. Je partage avec Camille la même vision de la profession avec nos histoires à la fois parallèles et communes. Nous avons de surcroît un lieu de vacances commun, l’Île d’Yeu. C’est un endroit magique où les liens créés tant avec les Islais d’origine qu’avec les Islais d’adoption sont uniques. Les confrères qui connaissent cette île le comprendront.

A.-P. : Quelles sont, aujourd’hui, les priorités pour les avocats parisiens ?

C. P. : Il y a beaucoup de sujets de préoccupation concernant notre profession et nous ne pouvons évidemment pas tous les aborder, même si nous sommes souvent interrogés sur les plus importants. Ainsi, nous avons notamment axé notre campagne sur le nouveau palais de justice qui concerne directement beaucoup d’avocats avec le regroupement de nombreuses de juridictions, le pôle financier, les tribunaux d’instance…

A. C. : En l’état actuel des choses, les avocats ne devraient avoir accès à aucun service. Les salles d’audience sont réunies au rez-de-chaussée et le palais est conçu de telle manière que les magistrats vont bénéficier d’un accès spécifique, pour accéder à leur bureau. Ils pourront déjeuner, rejoindre les salles de repos et les salles d’audience sans jamais croiser un avocat. Dans cette sorte de tour d’ivoire, les
confrères n’auront pas d’accès aux étages supérieurs. Aujourd’hui, quand nous avons besoin d’une décision ou d’un renseignement nous faisons la démarche, nous allons voir le greffier, les juges… et nous obtenons l’information. Nous pouvons simplement dialoguer et c’est fondamental. Dans le nouveau palais, nous allons affronter ce problème d’accessibilité.  Certes, tout va être informatisé, mais la justice a encore énormément de progrès à faire dans ce domaine.

« Notre profession doit évoluer face aux défis et aux nouvelles opportunités qui apparaissent comme le numérique. » Camille Potier

C. P. : Avec cette configuration des lieux, les magistrats croient sans doute se protéger, je ne sais d’ailleurs pas de quoi… Ils créent une espèce d’espace réservé alors que la communication directe avec les avocats permet de mettre de l’huile dans les rouages et surtout d’humaniser les rapports. Cette proximité rendrait à la justice son visage humain.  J’en discutais récemment avec un membre du parquet national financier. Il me confirmait que les confrères devront téléphoner pour prendre rendez-vous, téléphoner à l’arrivée sur le site pour que le magistrat descende avec son badge pour permettre l’accès à la salle de rendez-vous. C’est une véritable usine à gaz qui se met en place pour quelques minutes d’entretien.

A. C. : Le contact humain permet de résoudre beaucoup de petits problèmes. Le fait de couper totalement ce lien magistrats-avocats va nous interdire de régler de nombreuses situations de blocage.

C. P. : C’est un signe de défiance désastreux à l’égard des confrères. La chancellerie estime qu’on ne peut pas faire confiance aux avocats en leur donnant accès au greffe. C’est déjà le cas en province, dans les nouveaux tribunaux de Nantes et de Pontoise, notamment. Et n’invoquons pas des problèmes de sécurité… Les badges sont simples à configurer.

A. C. : Ce n’est pas uniquement une question de structure et de sécurité. C’est aussi un réel problème de philosophie sur le contenu de la justice de demain qui se pose remettant en cause des rapports magistrats-avocats qui, jusqu’à présent, n’ont pas si mal fonctionné que cela,
dans l’intérêt du justiciable. Un autre sujet est assez récurrent durant notre campagne, c’est la problématique des locaux professionnels pour les jeunes confrères, les difficultés d’installation… Ils ont la nécessité d’avoir une adresse professionnelle à Paris, où les locaux sont particulièrement chers.

« Nous devons d’abord protéger  notre profession. Le nouveau palais est un premier lieu de combat. » Antoine Chatain

A.-P. : La Moda n’est-elle pas là pour pallier partiellement cette difficulté ?

A. C. : La Moda pose un autre problème. Souvenons-nous, quand nous avons construit la Maison du barreau, il y a quelques années, le même débat a eu lieu. Aujourd’hui, nous sommes très heureux de l’avoir et il s’avère que c’est un excellent investissement. Je pense qu’il va se passer le même phénomène pour la Moda. Qui plus est, il n’est pas imaginable que les avocats ne disposent pas d’un lieu à proximité du nouveau palais, dans la mesure où nous n’avons aucun espace réservé au sein du tribunal lui-même. Nous pouvons, en revanche, certainement regretter un manque d’information sur ce projet.

A.-P. : Quel est l’autre axe de votre campagne ?

C. P. : Le deuxième sujet sur lequel nous intervenons avec force est évidemment la défense du secret professionnel de l’avocat. Et, contrairement à certaines idées reçues, notamment parfois dans les grands cabinets d’affaires, c’est n’est pas qu’une affaire de défense judiciaire, d’avocats plaidant et de contentieux. C’est une lourde erreur. On le voit dans des dossiers importants, notamment en matière fiscale, dans lesquels nos amis fiscalistes sont parfois inquiétés. Même constat pour les autres activités de conseil où la situation devient très problématique. Nous devons être vigilants et avoir une vision très claire de ce que recouvre concrètement ce secret professionnel et quelle est aujourd’hui la protection de nos clients. Il faut absolument travailler pour à tout le moins préserver ce qui nous reste de cette confidentialité qui est déjà bien altérée et combattre toutes ses atteintes. N’oublions pas que la quête de transparence absolue est l’un des apanages des grandes dictatures. Nous savons très bien que le secret professionnel est nécessaire au fonctionnement d’une société démocratique.

A.-P. : Sur ce thème de la confidentialité, pensez-vous  qu’il y a un moyen d’unir vos forces avec celles des juristes d’entreprise en quête du legal privilege ?

C. P. : Sur ce sujet complexe, c’est l’intégration dans le corpus avocat d’un deuxième métier qui pose problème. Il y a là un vrai débat. Mais il ne faut pas perdre de vue que l’absence de secret professionnel des juristes d’entreprise pousse notamment nos entreprises à délocaliser leurs services juridiques vers d’autres pays européens pour garantir une confidentialité.

A. C. : Il faut dépassionner le débat et envisager les choses avec lucidité. C’est clairement l’un des prochains enjeux de l’évolution de notre profession.

A.-P. : Si vous êtes élus, comment envisagez-vous votre action au sein du Conseil de l’Ordre ?

C. P. : C’est, comme vous le savez, le bâtonnier qui confie les missions. Beaucoup de sujets m’intéressent, l’Europe et l’international particulièrement. Quand nous sommes allés écouter Jean-Claude Juncker à la Maison du barreau, il y avait une foule de jeunes confrères
passionnés, ce qui est très positif pour l’avenir de l’Union. De manière plus pragmatique, l’aide aux confrères est également essentielle pour nous, par exemple à travers les délégations du bâtonnier sur les perquisitions chez les confrères et toutes les missions importantes de l’Ordre, comme les conflits d’honoraires.

A. C. : Les problèmes de perquisitions sont très importants. Ils entrent dans le droit fil de la défense du secret professionnel. Je souhaiterais, par ailleurs, diriger un groupe de deux ou trois membres du Conseil ayant une délégation pour suivre, intervenir et communiquer régulièrement sur l’évolution des travaux du nouveau palais, le déménagement et l’installation, à travers tous les aléas, par exemple l’absence totale de parking pour les avocats, une volonté politique assumée.

Propos recueillis par Boris Stoykov et Jean-Paul Viart et parus dans le Journal Affiches Parisiennes,  n° 87 du 3 au 4 novembre 2016

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Camille POTIER et Antoine CHATAIN : « l’expérience au service des confrères parisiens »

Candidats à l’élection au Conseil de l’Ordre du barreau de Paris, le duo a notamment axé sa campagne sur le nouveau palais de justice ou comment définir une intégration et garantir la place de l’avocat dans ce nouveau lieu. Pour eux, le bâtiment des Batignolles remet en cause les rapports magistrats-avocats et pose un réel problème sur le contenu de la justice de demain.

A.-P. : Pouvez-vous vous présenter ?

Camille Potier : J’ai commencé ma carrière il y a 17 ans, au côté du bâtonnier Guy Danet, en pré-stage puis en première collaboration. Je travaillais sur des dossiers de contentieux et surtout de droit pénal des affaires. Après cette première expérience professionnelle intense que j’ai adorée, je suis partie faire du droit pénal de droit commun auprès de Jean- Louis Pelletier, un pénaliste excellent et reconnu. Ma motivation était de plaider, d’être réellement dans l’arène. J’ai ainsi travaillé pendant presque six ans auprès de lui. Ensuite, après une première maternité, j’ai affronté deux ou trois années plus compliquées avant de rejoindre un cabinet spécialisé dans le contentieux qui s’est rapproché du cabinet Mayer Brown en 2008. Je fais aujourd’hui du contentieux commercial, du droit des affaires et toujours du droit pénal des affaires au sein du cabinet Mayer Brown et j’y suis très heureuse. Candidats à l’élection au Conseil de l’Ordre du barreau de Paris, le duo a notamment axé sa campagne sur le nouveau palais de justice ou comment définir une intégration et garantir la place de l’avocat dans ce nouveau lieu. Pour eux, le bâtiment des Batignolles remet en cause les rapports magistrats-avocats et pose un réel problème sur le contenu de la justice de demain.  L’expérience au servicedes confrères parisiens

Antoine Chatain : J’ai prêté serment en 1989. J’ai commencé au cabinet Farthouat Stasi. J’y ai suivi toutes les campagnes au bâtonnat de
Jean-René Farthouat, jusqu’à son élection et l’intégralité de son mandat. J’ai ensuite travaillé auprès du bâtonnier Mario Stasi dont j’étais le collaborateur, puis l’associé, à partir de 1994. Ce fut une période riche d’enseignements auprès d’un homme exceptionnel. En 2000, nous avons créé le cabinet Stasi & Associés qui est devenu Stasi Chatain et associés, puis Chatain & Associés, il y a quatre ans, après le décès du bâtonnier Stasi, en 2012. C’est un cabinet de contentieux des affaires de 18 personnes.

A.-P. : Pourquoi avez-vous décidé de vous porter candidats ?

C. P. : Nous partageons, Antoine et moi, les mêmes convictions. Tout d’abord, nous aimons vraiment ce métier que nous avons choisi et nous souhaitons apporter des améliorations à sa pratique. Aujourd’hui, notre profession doit évoluer face aux défis et aux nouvelles opportunités qui apparaissent, comme le numérique, l’intelligence économique et stratégique, les nouvelles missions de compliance, sur lesquelles nous allons devoir nous renforcer. Nous trouvons essentiel de faire évoluer ce métier et de l’adapter aux enjeux de demain. Par ailleurs, j’ai le désir de sortir de mes dossiers et de mon quotidien d’avocat pour prendre un peu de hauteur de vue, en me plongeant dans des missions qui restent dans mon périmètre d’activité. Toutes les problématiques actuelles de notre profession sont passionnantes. Nous devons à la fois évoluer, nous adapter mais aussi nous protéger.

A. C. : Je partage ces idées à 100 %. Camille et moi ressentons aujourd’hui le même besoin, celui de nous mettre au service de nos confrères, pour des missions qui dépassent le cadre de la relation client, et permettent de prendre de la hauteur sur un certain nombre de problématiques. Avec mon parcours auprès du bâtonnier Jean-René Farthouat, du bâtonnier Mario Stasi et de mon associé Stéphane Lataste, tous très impliqués dans les instances ordinales, cette démarche est pour moi naturelle à ce stade de ma carrière. Camille et moi, nous pouvons apporter notre expérience et, en retour, apprendre beaucoup de ce mandat. Nous devons d’abord protéger notre profession. Le nouveau palais est un premier lieu de combat. Nous devons savoir comment les avocats vont être intégrés dans le fonctionnement de ces nouveaux bâtiments et comment ils pourront y exercer leur métier. Nous devons contribuer à définir cette intégration et à garantir la place de l’avocat dans ce nouveau lieu de justice. C’est par voie de presse que nous apprenons un retard des travaux d’un an pour des problèmes liés à la sécurité des lieux. L’ouverture serait repoussée fin 2018. Nous devons donc dans cette durée, nous avocats, être totalement impliqués dans la dernière phase de chantier qui aura des implications pour l’exercice de notre profession.

A.-P. : Comment avez-vous constitué votre binôme ?

C. P. : J’ai pris la décision de me porter candidate l’année dernière, avec l’accord enthousiaste de mon managing partner, Jean-Philippe Lambert. C’est par l’intermédiaire de Marie-Aimée Peyron que j’ai appris la candidature d’Antoine et que nous nous sommes rencontrés pour former notre binôme. Très rapidement, Antoine et moi, nous nous sommes reconnus dans nos exercices professionnels, même s’ils sont différents.  En effet, nous avons tous deux suivi cette école “bâtonnier à l’ancienne” au début de notre carrière. Cette proximité m’a formée à une certaine vision de la profession, à une déontologie à toute épreuve, au respect du confrère et de l’institution. Et Antoine partage cette même vision.

A. C. : Nous nous étions déjà croisés dans le métier. Pour l’anecdote, il y a des années que Marie-Aimée Peyron m’incitait à me présenter au Conseil de l’Ordre. Je lui avais promis d’être candidat le jour où elle se présenterait au bâtonnat. Au moment de cette annonce, Marie-Aimée m’a tout naturellement parlé de Camille, pressentant sans doute qu’elle serait le binôme idéal. Force est de constater qu’elle avait raison. Je partage avec Camille la même vision de la profession avec nos histoires à la fois parallèles et communes. Nous avons de surcroît un lieu de vacances commun, l’Île d’Yeu. C’est un endroit magique où les liens créés tant avec les Islais d’origine qu’avec les Islais d’adoption sont uniques. Les confrères qui connaissent cette île le comprendront.

A.-P. : Quelles sont, aujourd’hui, les priorités pour les avocats parisiens ?

C. P. : Il y a beaucoup de sujets de préoccupation concernant notre profession et nous ne pouvons évidemment pas tous les aborder, même si nous sommes souvent interrogés sur les plus importants. Ainsi, nous avons notamment axé notre campagne sur le nouveau palais de justice qui concerne directement beaucoup d’avocats avec le regroupement de nombreuses de juridictions, le pôle financier, les tribunaux d’instance…

A. C. : En l’état actuel des choses, les avocats ne devraient avoir accès à aucun service. Les salles d’audience sont réunies au rez-de-chaussée et le palais est conçu de telle manière que les magistrats vont bénéficier d’un accès spécifique, pour accéder à leur bureau. Ils pourront déjeuner, rejoindre les salles de repos et les salles d’audience sans jamais croiser un avocat. Dans cette sorte de tour d’ivoire, les
confrères n’auront pas d’accès aux étages supérieurs. Aujourd’hui, quand nous avons besoin d’une décision ou d’un renseignement nous faisons la démarche, nous allons voir le greffier, les juges… et nous obtenons l’information. Nous pouvons simplement dialoguer et c’est fondamental. Dans le nouveau palais, nous allons affronter ce problème d’accessibilité.  Certes, tout va être informatisé, mais la justice a encore énormément de progrès à faire dans ce domaine.

« Notre profession doit évoluer face aux défis et aux nouvelles opportunités qui apparaissent comme le numérique. » Camille Potier

C. P. : Avec cette configuration des lieux, les magistrats croient sans doute se protéger, je ne sais d’ailleurs pas de quoi… Ils créent une espèce d’espace réservé alors que la communication directe avec les avocats permet de mettre de l’huile dans les rouages et surtout d’humaniser les rapports. Cette proximité rendrait à la justice son visage humain.  J’en discutais récemment avec un membre du parquet national financier. Il me confirmait que les confrères devront téléphoner pour prendre rendez-vous, téléphoner à l’arrivée sur le site pour que le magistrat descende avec son badge pour permettre l’accès à la salle de rendez-vous. C’est une véritable usine à gaz qui se met en place pour quelques minutes d’entretien.

A. C. : Le contact humain permet de résoudre beaucoup de petits problèmes. Le fait de couper totalement ce lien magistrats-avocats va nous interdire de régler de nombreuses situations de blocage.

C. P. : C’est un signe de défiance désastreux à l’égard des confrères. La chancellerie estime qu’on ne peut pas faire confiance aux avocats en leur donnant accès au greffe. C’est déjà le cas en province, dans les nouveaux tribunaux de Nantes et de Pontoise, notamment. Et n’invoquons pas des problèmes de sécurité… Les badges sont simples à configurer.

A. C. : Ce n’est pas uniquement une question de structure et de sécurité. C’est aussi un réel problème de philosophie sur le contenu de la justice de demain qui se pose remettant en cause des rapports magistrats-avocats qui, jusqu’à présent, n’ont pas si mal fonctionné que cela,
dans l’intérêt du justiciable. Un autre sujet est assez récurrent durant notre campagne, c’est la problématique des locaux professionnels pour les jeunes confrères, les difficultés d’installation… Ils ont la nécessité d’avoir une adresse professionnelle à Paris, où les locaux sont particulièrement chers.

« Nous devons d’abord protéger  notre profession. Le nouveau palais est un premier lieu de combat. » Antoine Chatain

A.-P. : La Moda n’est-elle pas là pour pallier partiellement cette difficulté ?

A. C. : La Moda pose un autre problème. Souvenons-nous, quand nous avons construit la Maison du barreau, il y a quelques années, le même débat a eu lieu. Aujourd’hui, nous sommes très heureux de l’avoir et il s’avère que c’est un excellent investissement. Je pense qu’il va se passer le même phénomène pour la Moda. Qui plus est, il n’est pas imaginable que les avocats ne disposent pas d’un lieu à proximité du nouveau palais, dans la mesure où nous n’avons aucun espace réservé au sein du tribunal lui-même. Nous pouvons, en revanche, certainement regretter un manque d’information sur ce projet.

A.-P. : Quel est l’autre axe de votre campagne ?

C. P. : Le deuxième sujet sur lequel nous intervenons avec force est évidemment la défense du secret professionnel de l’avocat. Et, contrairement à certaines idées reçues, notamment parfois dans les grands cabinets d’affaires, c’est n’est pas qu’une affaire de défense judiciaire, d’avocats plaidant et de contentieux. C’est une lourde erreur. On le voit dans des dossiers importants, notamment en matière fiscale, dans lesquels nos amis fiscalistes sont parfois inquiétés. Même constat pour les autres activités de conseil où la situation devient très problématique. Nous devons être vigilants et avoir une vision très claire de ce que recouvre concrètement ce secret professionnel et quelle est aujourd’hui la protection de nos clients. Il faut absolument travailler pour à tout le moins préserver ce qui nous reste de cette confidentialité qui est déjà bien altérée et combattre toutes ses atteintes. N’oublions pas que la quête de transparence absolue est l’un des apanages des grandes dictatures. Nous savons très bien que le secret professionnel est nécessaire au fonctionnement d’une société démocratique.

A.-P. : Sur ce thème de la confidentialité, pensez-vous  qu’il y a un moyen d’unir vos forces avec celles des juristes d’entreprise en quête du legal privilege ?

C. P. : Sur ce sujet complexe, c’est l’intégration dans le corpus avocat d’un deuxième métier qui pose problème. Il y a là un vrai débat. Mais il ne faut pas perdre de vue que l’absence de secret professionnel des juristes d’entreprise pousse notamment nos entreprises à délocaliser leurs services juridiques vers d’autres pays européens pour garantir une confidentialité.

A. C. : Il faut dépassionner le débat et envisager les choses avec lucidité. C’est clairement l’un des prochains enjeux de l’évolution de notre profession.

A.-P. : Si vous êtes élus, comment envisagez-vous votre action au sein du Conseil de l’Ordre ?

C. P. : C’est, comme vous le savez, le bâtonnier qui confie les missions. Beaucoup de sujets m’intéressent, l’Europe et l’international particulièrement. Quand nous sommes allés écouter Jean-Claude Juncker à la Maison du barreau, il y avait une foule de jeunes confrères
passionnés, ce qui est très positif pour l’avenir de l’Union. De manière plus pragmatique, l’aide aux confrères est également essentielle pour nous, par exemple à travers les délégations du bâtonnier sur les perquisitions chez les confrères et toutes les missions importantes de l’Ordre, comme les conflits d’honoraires.

A. C. : Les problèmes de perquisitions sont très importants. Ils entrent dans le droit fil de la défense du secret professionnel. Je souhaiterais, par ailleurs, diriger un groupe de deux ou trois membres du Conseil ayant une délégation pour suivre, intervenir et communiquer régulièrement sur l’évolution des travaux du nouveau palais, le déménagement et l’installation, à travers tous les aléas, par exemple l’absence totale de parking pour les avocats, une volonté politique assumée.

Propos recueillis par Boris Stoykov et Jean-Paul Viart et parus dans le Journal Affiches Parisiennes,  n° 87 du 3 au 4 novembre 2016

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