Le 4 juillet 2016, le Conseil de Paris a adopté la modification du Plan local d’urbanisme (PLU), achevant ainsi une procédure engagée depuis près de deux ans.
L’adoption des lois Grenelle I et II en 2009 et 2010, de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement en 2013 et de l’ordonnance conférant un statut juridique au logement intermédiaire et de la loi A.L.U.R en 2014, tout comme la modification du Schéma directeur régional d’Île-de-France (SDRIF) rendaient nécessaires une adaptation du P.L.U., initialement adopté en 2006.
S’ajoutait à cela également une considération d’opportunité puisque la Ville souhaitait modifier son PLU avant le transfert initialement envisagé de cette compétence à la Métropole du Grand Paris. Bien que le transfert ait été pour l’heure reporté, la procédure était lancée.
La modification du PLU avait d’abord pour objectif de pallier la suppression du Coefficient d’Occupation des Sols (COS) par la loi (I). Cette modification permet également à la municipalité de traduire concrètement deux de ses priorités : la préservation du logement (II) et la transition verte de la capitale (III).
1-Le remplacement du coefficient d’occupation des sols
La suppression avec effet immédiat du COS par la loi ALUR du 24 mars 2014 a eu pour conséquence de rendre caduques les dispositions de l’article UG 14 du Plan local d’urbanisme et de créer un vide juridique. Le C.O.S permettait d’encadrer la construction de surface de plancher par le calcul d’un rapport entre la surface de plancher constructible maximale en m² et la surface au sol en m².
Le COS était un outil à Paris de rééquilibrage de l’habitation et de l’emploi entre l’est et l’ouest parisien. Paris est divisé en deux secteurs : secteur de protection de l’habitation (Ouest et Centre de Paris) où le logement est moins important que le bureau et le secteur d’incitation à la mixité habitat / emploi (Nord, Est et Sud de Paris) où les surfaces destinées à l’activité économique sont moins importantes que la surface destinée à l’habitation.
Cette division est conservée et, désormais, la constructibilité est encadrée par des règles relatives à la destination qui complète la règle du gabarit-enveloppe. Le même objectif demeure, à savoir le maintien des surfaces de plancher consacrées au logement dans Paris et des règles plus souples pour l’implantation de bureaux dans le secteur d’incitation à la mixité habitat / emploi.
Dans ce dernier secteur, il n’existe aucune contrainte en matière de destination des constructions nouvelles et dans l’hypothèse d’une simple augmentation de la surface de plancher, la seule contrainte réside dans l’interdiction de diminuer la surface destinée à l’habitation.
Dans le secteur de protection de l’habitat, le rapport entre surface destinée à l’habitation et surface destinée à l’emploi doit être conservé. La construction d’une surface de plancher supplémentaire destinée à l’activité économique devra s’accompagner de la construction de surface de plancher destiné à l’habitation pour maintenir la proportion existante. En tout état de cause, pour toute augmentation de la surface de plancher, l’augmentation de la surface destinée à l’activité économique est cantonnée à 10%.
Ces règles s’appliquent sans prendre en compte les rez-de-chaussée et le sous-sol.
Le maintien de la règle du gabarit-enveloppe – méthode qui permet de déterminer le potentiel constructible d’un terrain en fonction d’un volume prédéfini par rapport à la largeur de la rue qu’il borde – sans la règle du COS, augmente mécaniquement la constructibilité et favorise la surélévation de nombreux immeubles parisiens. Reste à savoir si les contraintes en matière de destination vont freiner outre mesure les opportunités d’investissements ainsi créées.
2-L’augmentation du logement social
La Ville de Paris a choisi d’adopter une politique volontariste en matière de logements sociaux. Le P.L.U modifié intègre ainsi l’objectif défini dans le SDRIF de 30% de logements sociaux à l’horizon 2030 et non plus de 25%. A ce titre, la zone déficitaire en logements sociaux identifiée dans le PLU a été nettement étendue.
Dans celle-ci, tout projet de construction neuve, de reconstruction lourde ou de changement de destination portant sur la création de surface d’habitation supérieure à 800m² devra prévoir au moins 30% de la surface de plancher affectée au logement social.
La nouveauté réside dans l’obligation de créer 30% de logements intermédiaires dans la zone non déficitaire en logement social.
De nouveaux emplacements réservés sont également créés. Les emplacements réservés sont des servitudes qui fixent une obligation de construction de logements sociaux ou intermédiaires sur le nombre total de logements construits. Ces emplacements correspondent à des parcelles d’une superficie souvent supérieure à 200m² et qui appartiennent, pour moitié, à des propriétaires institutionnels. Il existe désormais 385 emplacements réservés dans Paris (+50%), dont 36 concernent le logement intermédiaire. Toutefois, et pour mémoire, à ce jour, seuls 22 emplacements réservés ont été levés sur 197.
Enfin, pour inciter à la construction, l’obligation de construire des places de parking a été levée. Désormais, cette construction est libre pour les habitations alors même que le PLU prévoyait initialement un seuil minimal de places de parking. Concernant les bureaux, la logique du seuil minimal est abandonnée au profit d’un seuil maximal – 1 place pour 500 m² de surface de bureaux dans les 1er au 11e arrondissements et 1 place pour 250 m² dans les 12e au 20² arrondissements.
3-Vers un Paris vert
Si pour la 1ère fois depuis 2001, les élus écologistes ont voté un document d’urbanisme, c’est notamment parce que le P.L.U modifié met en œuvre une politique tendant à un Paris plus vert. Outre la suppression de l’obligation de construction de places de parking – qui s’inscrit dans la dynamique de l’éviction de la voiture de la Ville – le PLU entérinent des mesures favorables à la présence de la nature en ville, à une meilleure gestion des déchets et favorisant des meilleures performances énergétiques et environnementales des constructions.
Le PLU acte l’objectif de 10% de végétalisation en pleine terre, en façade et en toiture. Un retrait d’alignement de la voie est autorisé pour permettre l’enracinement des plantes grimpantes. Les toitures plates d’une surface supérieure à 100m² seront végétalisées et le dépassement du gabarit est autorisé pour permettre l’installation des serres et de systèmes de production agricole.
De manière plus contraignante, le PLU passe de l’incitation à l’obligation en matière de performances énergétiques et environnementales des constructions existantes ou neuves, quelle que soit leur destination. En dessous de 1500m² de surface de plancher, il est désormais obligatoire de mettre en place des dispositifs d’économie d’énergie, sauf impossibilités techniques. Au-delà, il faudra à la fois économiser de l’énergie et en créé par l’installation de système de production d’énergie renouvelable.
Si la modification du PLU poursuit des objectifs louables – l’environnement et la construction de nouveaux logements, la stratégie adoptée par la Ville de Paris en matière de logements sociaux pourrait tendre davantage le marché immobilier. Bien pire, l’obligation d’intégrer 30% de logements sociaux lors de la construction de plus de 800m² de surface de plancher pourrait, in fine, avoir un effet ciseau avec des prix des logements libres plus élevés pour garantir la rentabilité des projets immobiliers.
Par ailleurs, un risque contentieux réel existe au regard de la procédure adoptée. Le choix de la simple modification, moins contraignant que la procédure de révision, pourrait être contestée au regard de l’ampleur de l’évolution. Les recours devant le juge administratif devront être introduits au plus tard début septembre.
Article rédigé par Muriel FAYAT et paru dans la revue Immoweek Logement, n° 830 – 29 juillet 2016